الأحد، 16 نوفمبر 2008

Lettre à Martin Luther King

Cher Martin Luther King,
Permettez-moi de vous dire « tu » car je tutoie tous ceux que j’aime, même si le respect que je dois à votre personne m’impose une vénération que j’exprime rarement envers les êtres, car il est de ma nature de rendre hommage aux idées plutôt qu’à ceux qui les exposent.

Il y a quarante cinq ans, c’était le 28 août 1963, tu as formulé un rêve très cher à ton cœur et aux cœurs de millions d’être humains qui ont embrassé l’ambition d’être reconnus comme êtres humains bénéficiant des mêmes droits devant leurs semblables. Dans ce rêve tu aspirais à l’égalité des droits des gens de différentes races et couleurs devant la loi et devant les droits civils. Aujourd’hui, il s’avère que ton rêve n’était pas si fou que ça car en quarante cinq petites années seulement (que représente cette période dans l’histoire des Hommes ?), les noirs sont considérés comme des citoyens à part entière. Aujourd’hui, on ne parle plus de ségrégation raciale dans les bus, ni dans les écoles, ni dans les cinémas ni dans les agglomérations où s’impose une majorité de race blanche.

Que je suis heureuse pour toi, pour les gens de ta race, et pour tous les américains qui partagent tes idées ! Pour la première fois dans l’histoire de ton Amérique natale, un américain de couleur noire est élu président.

Combien de fois ai-je lu ce discours et combien de fois ai-je écouté et ré-écouté ce rêve qui n’est pas le tien exclusivement ! Combien de phrases en ai-je appris, ou était-ce tout le discours que j’ai appris sans m’en rendre compte parce qu’il exprimait le fond de ma pensée ?

Aujourd’hui tu peux être fier car tu as réalisé le rêve historique que tu as défendu et pour lequel tu as combattu. Aujourd’hui, « les fils des esclaves et les fils des propriétaires d'esclaves peuvent s'asseoir ensemble à la table de la fraternité ». Aujourd’hui, « tes quatre jeunes enfants vivent dans une nation où ils ne sont pas jugés pour la couleur de leur peau, mais pour le contenu de leur personne ».

Aujourd’hui un président nommé Barack Obama, un ex petit garçon noir, prévoit peut être de « joindre ses mains » avec ceux de Hilary Clinton, une ex petite fille blanche, comme chef de la diplomatie du dit président. Au point où en sont les choses, cela ne devrait surprendre personne, puisque « Après avoir perdu l'investiture démocrate en juin, Mme Clinton, 61 ans, avait appelé à voter pour M. Obama lors de l'élection du 4 novembre et fait campagne pour lui. »

Abstraction faite du nom du nouveau secrétaire d’Etat, que ce soit Hilary Clinton ou autre, c’est une belle leçon de démocratie d’entrevoir dans la rivale de juin une alliée potentielle pour les prochaines quatre années.

Cher Martin Luther King,

Je t’écris cela parce que moi-même j’ai un rêve qui ne diffère en rien du tien mais que je ne peux formuler devant un auditoire de 250.000 personnes, un rêve qui se réalisera dans les meilleures conditions peut être pour mes arrières-arrières petits-enfants.

Un citoyen américain, âgé de 32 ans a déclaré, le 3 novembre dernier, avoir eu l’occasion de voter trois fois dans le cadre des élections présidentielles, et qu’il s’apprêtait à voter encore le 4 novembre.

Je fais le rêve qu’un jour l’un de mes arrières petits-enfants puisse voter pour élire un président qui ne dépassera pas une majorité de 60% des votes de la masse électorale.

Je fais le rêve aujourd’hui qu’avant de mourir je puisse assister à un vrai débat démocratique dans mon pays quelle qu’en soient les résultats.

Je fais le rêve que dans le parti au pouvoir puissent s’instaurer des mesures qui inciteraient plus qu’un seul candidat à se présenter aux élections présidentielles.

Cher Martin Luther King,

En 1955, ce que Rosa Parks a fait était inadmissible selon les critères de l’Alabama des années 1950. Le rêve que tu as formulé était utopique en 1963. Je sais que le rêve que je fais aujourd’hui ne se réalisera pas aujourd’hui, mais j’attends que l’histoire me surprenne comme elle l’a fait pour toi.

الأحد، 2 نوفمبر 2008

Mani, le prophète [des] Jardins de lumière

Une définition qu’on peut trouver pour le substantif « manichéisme », et qui ressemble dans sa signification à toute autre définition dans n’importe quel dictionnaire est la suivante : « Conception dualiste et simplificatrice qui considère les choses soit comme bonnes, soit comme mauvaises ». J’ai toujours compris les mots «manichéen» et «manichéisme» comme appartenant à une vision tranchante des choses. Une vision manichéenne est une vision qui ne voit pas les nuances. Tout est blanc ou noir. Dans le monde il y a le Bien et le Mal et ils sont bien distincts l’un de l’autre. Les idées et les concepts ont cet aspect de dualité drastique et définitif.

Rien de surprenant dans tout cela puisque c’est le caractère arbitraire du langage qui fait qu’un mot renferme un sens ou un autre ; sauf que ces substantifs «manichéen, manichéenne, manichéiste, manichéisme» sont étymologiquement issus du nom de Mani, philosophe, peintre et médecin du 3ème siècle.

Dans Les Jardins de lumière, Amin Maalouf nous raconte l’épopée de Mani, son humanisme, sa tolérance et sa magnanimité. De par l’histoire, la philosophie de Mani a longtemps été mal interprétée : elle visait « à concilier les religions de son temps » mais « elle lui valut les persécutions, le supplice, la haine ». Mani n’a jamais été manichéen dans sa conception de la vie, des êtres, du bonheur. Bien au contraire, il avait une représentation pluridimensionnelle des choses et il avait la faculté, oh combien rare, de tolérer un comportement et son opposé.

Je vous laisse savourer quelques passages du livre :
En réponse à quelqu’un qui doutait de la foi des adorateurs du soleil, Mani dit : « Crois-tu qu'un Roi serait jaloux si tu baisais le pan de sa robe ? Le soleil n’est qu’une paillette sur la robe du Très-Haut, mais c’est à travers cette paillette resplendissante que les hommes peuvent le mieux contempler Sa Lumière »...
Ensuite l'homme demanda à Mani : « Et ceux qui ne reconnaissent aucun dieu ? »
Alors Mani répondit : "Celui qui refuse de voir de Dieu dans les images qu'on lui présente est parfois plus proche qu'un autre de la vraie image de Dieu ».

Mani appelle son dieu « le Roi des jardins de lumière » et selon lui ce dieu ne peut pas être le Tout-Puissant et l’Infiniment Bon à la fois. « …Est-ce lui qui a créé la lèpre et la guerre ? Est-ce lui qui laisse mourir les enfants et maltraiter les innocents ? Est-ce lui qui a créé les Ténèbres et leur Maître ? A-t-il permis que ce dernier existe ? S’il pouvait l’anéantir d’un geste, pourquoi ne le ferait-il pas ? S’il ne veut pas anéantir les Ténèbres, c’est qu’il n’est pas infiniment bon ; s’il veut les anéantir, mais qu’il n’y parvient pas, c’est qu’il n’est pas infiniment puissant ».

Pour Mani, le monde est notre création même si l’histoire nous dit que d’autres nous ont précédés : « C’est à l’homme qu’a été confiée la création. C’est d’abord à lui qu’il appartient de faire reculer les Ténèbres. »

Pour discuter de la haine religieuse et pour introduire la notion de compréhension de l’autre, Mani dit : «...chacun de nous se sent secoué, menacé, outragé, chacun ressent maintenant à quel point les haines religieuses peuvent affecter son existence… Mais pourquoi ces querelles, ces imprécations, ces railleries ? Chaque peuple a des coutumes qui se sont inscrites dans ses lois et qu’il attribue à la volonté divine. Celle-ci serait-elle différente pour chaque peuple ? La vérité est que nous ne savons rien de la divinité, ni son nom, ni son apparence, ni ses qualités. Les hommes donnent à Dieu des noms innombrables, ils sont tous vrais, et aussi tous faux. S’Il avait un nom, il ne pourrait s’écrire avec nos mots, ni être prononcé par nos bouches. On dit qu’il est Riche et Puissant ? Richesse et puissance ne sont des qualités qu’à l’échelle des hommes, elles ne signifient rien à l’échelle de Dieu. On Lui attribue aussi des désirs, des craintes, des irritations et des humeurs, certains Le disent jaloux d’une statue, offensé d’un geste, préoccupé de notre façon de parler, d’éternuer, de nous vêtir ou de nous dévêtir… »

« Je me réclame de toutes les religions et d’aucune. On a appris aux hommes qu’ils devaient appartenir à une croyance comme on appartient à une race ou à une tribu. Et moi je leur dit : on vous a menti. En chaque croyance, en chaque idée, sachez trouver la substance lumineuse et écarter les épluchures. Celui qui suivra ma voie pourra invoquer Ahura-Mazda, et Mithra, et le Christ et le Bouddha. Dans les temples que j’élèverai chacun viendra avec ses prières.

« Je respecte toutes les croyances, et c’est bien cela mon crime aux yeux de tous… »

Ces idées humanistes sont récurrentes dans les œuvres de Amin Maalouf qui déclare dans d’autres ouvrages :
« C’est notre regard qui enferme souvent les autres dans leur étroite apparence, et c’est notre regard aussi qui peut les libérer » Les Identités meurtrières.

« L’identité n’est pas donnée une fois pour toutes, elle se construit et se transforme tout au long de l’existence » Les Identités meurtrières.

« Quand on me dit qu’une personne est arrivée, je suis tenté de demander où, et par quels moyens, et dans quel but ! Seuls se félicitent ceux qui sont incapables d’aller plus loin » Le Premier Siècle après Béatrice.