Petite soeur, où es-tu ?

Des femmes cloîtrées, il y en a par milliers. Qu’est-ce que je dis ? Par centaines de millions. Mais des femmes qui ont du caractère et qui sont confinées en prétendant que c’est leur choix personnel, je n’en ai pas vues beaucoup. Une exception quand même, celle de ma petite sœur.

Elle était quelqu’un de très ordinaire : elle avait ses opinions, ses croyances, ses sauts d’humeur, ni excessivement portée sur la religion ni un penseur laïc. Bref, comme tout le monde.

Ma sœur a fait des études privées et mon père a bien investi dans ce projet. Elle a même décroché un job qu’elle aimait bien et qui la faisait vivre (non, là, je ne parle pas du côté matériel).

Pendant ses études secondaires, elle a connu quelqu’un et elle a vécu une histoire d’amour qui a été couronnée par le mariage.

Une histoire banale comme tout qui se termine bien, dites-vous. Oui, mais voilà que avant le mariage, « on » prit la décision qu’elle ne travaillerait plus après. « Je ne conçois pas que ma femme travaille », a-t-on dit. « Mais oui », dit la belle, « je ne compte plus aller travailler, je vais m’occuper de mon foyer et chouchouter mon cher et tendre ».

La mariée était belle comme tout dans sa robe blanche avec une coiffure et un maquillage impeccables réalisés par des experts dans la question, des gens qui vous prennent en une journée ce que vous gagnez en un mois, et la mixité dans les cérémonies de mariage n’est plus une question à débattre dans le milieu où nous vivons.

Le lendemain du mariage, la nouvelle mariée vient rendre visite à ses parents avec son mari. Surprise sur prise, elle est voilée et n’a même pas un trait de khôl aux yeux. Une communication bloquée fut le résultat de cette rencontre. Ma mère qui n’a pas arrêté de faire ses prières depuis l’âge de treize ans et qui mettait un foulard sur sa tête depuis une belle lurette, était désorientée.

Depuis ce jour là, la bruyante, active, plaisante jeune fille a changé en une femme terne sans âme, qui n’a plus de sujet de conversation. Elle a perdu de sa spontanéité et de sa vivacité, elle a même rompu avec ses amis (et amies).

Un soir, pendant un moment d’honnêteté, de franchise, de lucidité et de colère, je suis tombée en sanglots sur l’épaule de mon mari. J’ai perdu ma sœur à jamais.

J’espère que vous me comprenez.